La solitude est un sentiment coutumier du dirigeant d’entreprise, notamment lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes. Mais lorsque ce sentiment de solitude fait souffrir et se transforme en isolement, il peut devenir préjudiciable à votre santé et à celle de votre entreprise. Il existe heureusement plusieurs façons de vous en prémunir.
Une étude menée par Bpifrance Le Lab en 2016 (1) révélait que 45% des dirigeants de PME et d’ETI interrogés se sentaient isolés, voire très isolés. Il est probable que les crises sanitaire et énergétique ou l’inflation de ces dernières années aient encore exacerbé ce sentiment chez nombre de dirigeants. Sans parler des difficultés de recrutement dans certains secteurs. Vous n’êtes donc assurément pas seul à vous sentir seul dans la conduite de vos affaires !
Se trouver tout en haut de l’organigramme s’accompagne du poids permanent des responsabilités. En tant que dirigeant de l’entreprise, vous êtes le premier responsable devant vos salariés, vos clients, vos fournisseurs, vos investisseurs. Même entouré d’une équipe engagée, il est normal de se sentir seul. C’est lorsque ces différentes responsabilités sont vécues comme écrasantes que le bât blesse.
Alors, quels sont les facteurs qui amplifient le sentiment de solitude ? Quelles sont les conséquences d’une trop grande solitude dans l’exercice de vos fonctions ? Et comment éviter qu’un sentiment de solitude acceptable devienne une constante invivable et dangereuse ?
Ces situations et mécanismes qui conduisent à l’isolement
Le sentiment de solitude ressenti par le dirigeant trouve son origine dans des causes multifactorielles. Que vous ayez été nouvellement nommé directeur général, que vous soyez créateur de start-up ou chef d’entreprise installé depuis plusieurs années, vous êtes probablement exposé à quelques-uns de ces facteurs, exogènes ou endogènes :
- Le statut social du dirigeant a naturellement tendance à isoler.
- Le dirigeant manque d’homologues avec qui échanger, à qui se comparer et se confier.
- Dans les PME et ETI, le dirigeant n’a pas toujours de bras droit de confiance capable de le soutenir et d’assurer une fonction de relais.
- Le dirigeant est le seul à pouvoir mesurer l’impact global des décisions et événements sur l’entreprise, les bénéfices comme les risques.
- Les décisions lourdes ne peuvent être prises que par lui.
- Il se sent souvent entièrement responsable des succès et des échecs de l’entreprise, au-delà du raisonnable.
- La communication entre le dirigeant et ses équipes est faussée par des relations interpersonnelles à visée courtisane et des enjeux de pouvoir.
- Le dirigeant s’impose de faire bonne figure en toute circonstance, se fait un devoir de dissimuler ses émotions et préfère taire les difficultés.
- Il a du mal à concilier vie professionnelle et vie privée, particulièrement lorsqu’il consacre plus de 70 heures hebdomadaires à ses fonctions.
Les effets négatifs sur le dirigeant sont majorés lorsque l’entreprise connait des difficultés économiques et financières ou qu’un manque de partenaires et/ou de compétences clés en interne se fait sentir.
Des conséquences néfastes
Dans la solitude comme en tout domaine, choisir est préférable à subir. Pour certains dirigeants, la solitude est non seulement assumée mais appréciée. Ils y trouvent une forme avantageuse de protection et de confort, à l’abri de potentielles sources de déstabilisation.
Mais les dirigeants qui évoquent la solitude dans leur fonction la voient plutôt comme une gêne et aimeraient qu’elle soit moins présente dans leur quotidien. L’étude de Bpifrance Le Lab déjà citée montre que trois dirigeants de PME/ETI sur quatre aspirent à être plus et/ou mieux entourés. Et les experts en santé mentale s’accordent à dire que les sentiments d’isolement ne sont jamais bons pour ceux qui les éprouvent.
Parmi les effets indésirables de la solitude et de l’isolement que peuvent subir les dirigeants :
- Une incapacité à prendre du recul, à garder une vision lucide des choses, à anticiper.
- De mauvaises décisions prises faute d’échanges, de conseils, de regard critique et d’avis contradictoires.
- Une augmentation du stress et de la fatigue.
- Un manque de motivation.
- Une difficulté à entreprendre, à saisir des opportunités, à innover.
- Une perte de confiance en soi… et une perte de la confiance de ses collaborateurs.
- Un étiolement de la vie sociale.
- Une mise en danger de la santé physique et mentale.
- Un risque de dépression, de burn-out.
- Une mise en danger de l’avenir de l’entreprise.
Solitude et isolement ont ceci de pernicieux qu’ils créent trop souvent un cercle vicieux dont il est de plus en plus difficile de s’extraire. Si vous ne disposez pas d’un entourage professionnel mais aussi extraprofessionnel en mesure de vous soutenir, le risque est de s’enfermer dans une tour d’ivoire et de ne plus chercher à échanger, convaincu que personne ne peut comprendre ce que vous vivez.
Un panel de solutions pour ne pas rester isolé
Interrogez-vous avec le plus de lucidité possible. Vous sentez-vous BIEN entouré ? Si tel n’est pas le cas, vous pouvez orienter votre réflexion au moins dans deux directions complémentaires : la mise en place d’une organisation interne plus participative et le développement de votre réseau externe.
- La délégation
Les dirigeants qui vivent le mieux le poids de leur rôle sont ceux qui savent identifier leurs limites. Déléguer à ceux qui sont davantage qualifiés que soi évite de porter toutes les responsabilités. Sans parler de la réduction de la charge de travail. - La réorganisation
Elle peut prendre plusieurs formes : la mise en place d’une direction bicéphale autorisant le partage du pouvoir exécutif, la création d’un comité de direction ou de pilotage, la constitution d’un conseil d’administration, voire une ouverture du capital. Ces changements dans la gouvernance de l’entreprise permettent a minima de prendre de la hauteur, notamment sur la stratégie, et de pouvoir échanger sur tous les sujets de fond avant les prises de décisions. Partager la direction, de façon statutaire ou informelle, allège systématiquement la pression. Ouvrir son capital offre aussi la possibilité d’impliquer certains collaborateurs dans la gestion de l’entreprise. - Le réseau externe
L’idée est de trouver à l’extérieur de l’entreprise des interlocuteurs susceptibles de vous comprendre. D’autres dirigeants, des alter ego qui vivent les mêmes situations que les vôtres et avec lesquels partager vos questionnements, vos difficultés, vos craintes. Les clubs d’entrepreneurs et de dirigeants, les fédérations professionnelles et les syndicats patronaux sont autant de lieux où trouver de l’écoute, des appuis, des conseils, des idées, des retours d’expérience qui protègent de l’isolement. On peut même trouver grâce au réseautage des partenaires et futurs associés. Réussir à établir des relations aidantes et de toute confiance peut parfois prendre du temps mais les bienfaits sont avérés. - Le management externalisé
L’appel à un manager externalisé, à temps partiel ou non, permet de se trouver un partenaire expert de confiance fortement impliqué, à même de seconder le dirigeant dans diverses fonctions : ressources humaines, système d’information, finance, marketing, commercial, achats, supply chain, etc. Une ressource externe qui présente en plus l’avantage d’être rapidement mobilisable quand le dirigeant ressent une solitude aiguë sur l’un ou l’autre de ces métiers.
Et pourquoi pas, également, avoir recours à du coaching, à un cabinet de conseil en stratégie, à un mentor ? Tout ce qui peut créer en vous un sentiment d’ouverture, de motivation supplémentaire et de soulagement est bon à prendre pour faire progresser votre entreprise tout en préservant votre santé.
(1) Bpifrance Le Lab – Vaincre les solitudes du dirigeant – oct. 2016